2006 Galerie de l'Enclume, Bôle



Revue de presse 
Journal  L'Express de Neuchâtel , par Sophie Bourquin

Article parut dans le quotidien, le 07/ 12/ 2006 (Photo Marchon)



                                     

Même si elle adore Klimt, Picasso, Dali et l'oppulence de Botero, le style d'Isabelle Breguet ne ressemble à aucun autre.
La question des Zigotos
Le monde d'Isabelle Breguet est peuplé de créatures étranges et biscornues. Une exposition permet de découvrir son travail, qui témoigne d'un talent très original
Ils ont l'air tout frais éclos avec juste ce qu'il faut de malice dans le regard, et de tristesse aussi, pour faire douter: ont-ils l'innocence de qui vient de naître ou la sagesse désinvolte d'êtres sans âge? Ce sont les Zigotos. Petites créatures énigmatiques, un peu tordues, un peu gracieuses, «un peu coupables d'innocence», les Zigotos évoluent dans un univers amniotique et hallucinant qui ne coïncide avec le nôtre qu'à travers l'imaginaire et l'immense talent d'Isabelle Breguet.
«Ma peinture est émotive, j'ai envie de troubler et de déranger»
L'artiste de Dombresson expose jusqu'au 17 décembre à la galerie L'enclume, à Bôle, et ses oeuvres ont de quoi fasciner: sa technique de prédilection est une sorte de pointillisme très sophistiqué, son travail, extrêmement cohérent, ne ressemble à aucun autre. L'artiste revendique d'ailleurs cette originalité, forte d'un parcours qui n'est pas celui de tout le monde.
«J'ai toujours dessiné, mon père, instituteur, avait un vrai don pour cela. J'ai toujours eu besoin de créer. Mais mon rêve d'enfant, c'était de travailler dans les effets spéciaux de cinéma, raconte-t-elle. Malheureusement, en Suisse, ce n'est pas tellement possible. Alors j'ai fait quelque chose qui s'en rapprochait: un CFC d'esthéticienne! Mais ça n'allait pas, je m'ennuyais trop». Alors elle ouvre une galerie d'art et lâche la bride à son imagination. Qu'elle a fertile. Autodidacte, mais bénéficiant des conseils de son amie artiste Inès Rieder, Isabelle Breguet récupère le bois de quelques caisses à champagne et se met à peindre. Il en résultera la série des «Gueule de bois», exposée une première fois à Zurich en 2005, aujourd'hui à Bôle. «J'ai imaginé que ces planches avaient fait la fête à la cave et qu'elles s'étaient mises à rêver»...
Apprivoiser le difforme
Dès ces premiers tableaux, on a affaire à un souffle onirique très puissant. «J'ai un esprit de disjonctée, j'écris et je dessine comme je pense, je vois les moments de la vie quotidienne comme des scènes de bande dessinée». Il y a effectivement un peu de BD dans ces tableaux qui sont autant de petites histoires mettant en scène ces premiers personnages biscornus dont les contours épousent les dessins du bois. «Dans mon métier, on cherchait à rendre la perfection des visages. Maintenant, j'ai envie de représenter des personnages difformes: J'aime la beauté, mais je m'efforce d'aimer aussi la laideur».
C'est un monde onirique, peuplé d'êtres enfantins qui se déploie de tableau en tableau. Les décors sont abstraits, on reconnaît quelques figures symboliques liées à la fertilité, la gestation: l'oeuf, la matrice, qui contiennent puis enfantent ces Zigotos un peu inachevés. «Ma peinture est émotive, j'ai envie de troubler et de déranger. D'abord, je capte l'attention par l'humour, puis, j'introduis quelque chose de plus grave avant de terminer dans l'émotion».
Le raffinement du point
Dès la série des «Gueules de bois», l'artiste crée ces décors faits d'une multitude de petits points, une technique qu'elle perfectionnera dans ses oeuvres récentes, sur toile parce que la toile permet une plus grande précision de point que le bois. Elle travaille le plus souvent avec des baguettes en bois, la peinture et la laque acryliques lui permettent de moduler la texture de ses points.
«Certains comparent ma peinture à celles des Aborigènes, à cause de ces points. A mon idée cela n'a rien à voir, les sujets ne sont pas les mêmes et je ne suis jamais allée en Australie», rigole-t-elle. Les couleurs aussi, évoquent volontiers les peintures tribales, brun, ocre, sienne, blanc et noir. Isabelle Breguet n'utilise jamais le bleu «mais ça viendra peut-être, j'ai toujours besoin d'explorer de nouvelles voies». Une artiste atypique, à découvrir et à suivre. / SAB
Bôle, galerie L'enclume
Automne 2006
Sophie Bourquin


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