RENCONTRE ET INTERVIEW

Jean-Pierre Lambert, journaliste  rencontre avec Isabelle Breguet,  la veille de l'expo 2006 à la Galerie l'Enclume.







Pour regarder l'interview, c'est par ici:

http://www.objectifreussir.ch/tv/Cadre_Pages/Emissions/Archives/Trajectoires/2006/Isabelle_Breguet/breguet_bas.html


Pour ceux qui n'ont pas la patience d'attendre... :

Texte retranscrit:

Mme Isabelle Breguet : Artiste peintre


Nous allons aujourd’hui à Bôle dans la galerie l’Enclume, dont la directrice est Mme Janine Haag, pour y rencontrer l’artiste neuchâteloise Isabelle Breguet.

Mme Breguet, bonjour.
Bonjour.

C’est un plaisir de vous rencontrer et de découvrir les œuvres que vous exposez à la galerie l’Enclume. La peinture et vous, c’est une longue histoire. Je me suis laissé entendre dire que vous aviez déjà commencé à dix ou douze ans.
En fait, j’ai toujours dessiné, j’ai toujours peint, j’ai toujours occupé mes mains d’une manière ou d’une autre, parce que j’ai besoin de ça.

Et votre première œuvre quand même. Il y a une petite histoire à douze ans ?
Oui, il y a une petite histoire. J’avais fait une gouache en fait sur un dessin. J’avais exposé cela chez moi et j’ai une fois un ami qui est venu vers moi et qui m’a dit : « Cette peinture, ma femme, elle m’en parle tout le temps, est-ce qu’elle est à vendre ? » Je lui ai dit : « Moi, je n’ai jamais vendu de peintures de ma vie, donc je ne sais pas, éventuellement ». Il m’a dit : « Écoute, fais moi ton prix entre cinq cents et mille francs ».
Là, ça m’a vraiment surpris et j’ai dit : « Voilà, huit cents francs et je te change le cadre. » Et c’est parti comme cela en fait.

Vous avez mis la barre tout de suite très très haut ?
Oh, tant qu’à faire, je me suis dit : « Le donner à cinq cents, non et mille, ça faisait quand même un peu beaucoup. »

Vous auriez souhaité, je suppose, pouvoir en faire votre carrière ?
Oui. Mais seulement, il faut quand même manger tous les jours et vivre de sa peinture, ce n’est pas forcément évident. Il a quand même fallu que j’attend très très longtemps avant de pouvoir, premièrement exposer et se dire ma  foi à côté de cela, il faut travailler le nécessaire pour avoir le côté alimentaire qui soit garanti et à côté de cela, c’est vrai le matériel coûte aussi vite cher. Il faut avoir de la place pour stocker. Voilà, un jour… Cela s’est fait comme ça en faisant des petites expositions collectives et par la suite, j’avais eu la chance avec une amie d’ouvrir une galerie. Elle avait exposé la première, ensuite on a eu des artistes et il y a eu un mois où finalement il n’y a eu personne et elle m’a dit : « La prochaine, c’est toi. » C’était assez soudain comme cela et ça a démarré comme ça.

On se pose beaucoup de questions quand on regarde vos œuvres. Ce n’est quand même pas tout à fait très conventionnel.
Oui j’imagine. Finalement ça fait du bien de savoir que les gens se posent des questions en regardant des œuvres parce qu’on a tellement l’habitude de passer devant quelque chose et que ça ne laisse rien. Là, on est obligé de s’arrêter, donc c’est très bien.

Déjà, vous n’avez pas envie que l’on vous qualifie de tel ou tel style de peinture.
Finalement, on va me mettre dans le style que l’on voudra bien me mettre si l’on a envie de m’attribuer un style. Mais moi, cela m’est égal. Je n’ai pas envie de ressembler spécialement à d’autres, bien que j’aime différents styles, mais je suis contente finalement de savoir que je suis un petit peu dans un style à part.
Je suis toujours un petit peu ennuyée de dire finalement quel est mon style. Je dis, c’est spécial.

Cela ressemble quand même à du pointillisme.
Au niveau de la technique, il est vrai que ça ressemble un peu à du pointillisme, genre peinture aborigène. Ceci dit, il y a juste la technique. La technique se fait avec le tableau à plat pour pointer évidemment, mais autrement la peinture, elle se fait sur un chevalet normal.

C’est quand même un travail de bijoutier ?
Il faut avoir de bons yeux, mais pas forcément une lumière qui tombe en plein dessus, parce que ça brille tellement que pour finir on ne voit plus. Je travaille beaucoup avec une lumière indirecte pour pouvoir voir justement les contrastes entre le fond et le point que je viens de mettre.

En fait, c’est quand même la technique que vous utilisez qui demande énormément de travail, énormément de soin ?
Oui. Je dois dire que pour faire à peu près dix centimètres carrés, il faut un bon moment. Plus le point est petit, plus ça prend du temps. Mais finalement, ça occupe ses journées.

Pourquoi avoir choisi ce style tout de même un petit peu bizarre. Il faut presque être maniaque, il faut presque être… une sorte d’obsession volontairement, pour ne pas dire de masochiste en y allant tout par petits points posés comme ça délicatement sur la toile.
Je suis très contrastée dans le sens où je n’aime pas la perfection et en même temps, ce qui est paradoxal, c’est que j’ai besoin d’aller dans le détail. J’aime bien travailler sur des choses minutieuses, mais en même temps, il ne faut pas chercher de la régularité là-dedans, parce que la régularité devient ennuyeuse au moment où l’on sait exactement ce qu’il va se passer après le point suivant. Il faut que l’œil se laisse emporter dans des points, dans des mouvements et il faut qu’il reste surpris.

C’est vrai. Il y a cette contradiction. Quand vous nous parlez des tableaux, des titres que vous leur avez donnés, il y a de l’humour, il y a une certaine légèreté et en même temps, la technique que vous utilisez, c’est tout le contraire.
C’est ce qui fait peut-être le charme, c’est le paradoxe.

Le paradoxe psychologique là ?
Oh ! Si l’on va chercher si loin… Non, non c’est vrai. Je pense être une personne assez complexe et j’aime l’humour. J’aime mettre un peu d’humour dans ces tableaux, c’est vrai. En regardant le titre, on peut se poser passablement de questions et quand on regarde la toile, on s’en pose encore plus. Finalement, après on va chercher ce qu’on peut y trouver et on y trouve ce qu’on a envie d’y trouver.

Peut-être, mais vous nous orientez quand même passablement. Si l’on prend quelques tableaux, dont celui qui représente le ventre d’une femme, il y a quand même de la recherche, il y a quand même de l’ésotérisme.
Non, il y a peut-être le fait que j’ai eu une maternité très tardive, puisque j’ai une petite fille qui a trois ans et demi et ceci dit, je n’ai jamais été obsédée par la maternité avant, mais ça a chamboulé passablement de choses dans ma vie. C’était un immense plaisir que de vivre cela. Effectivement, l’œuf est une forme que j’ai toujours aimée depuis toujours. Je trouve ça… un œuf est une forme troublante, parce qu’elle n’est jamais parfaite, mais en même temps, elle a une forme incroyable.

Et, elle est le début de quelque chose.
Exactement.
Et je préfère finalement m’inspirer de l’élément vital qui est la petite cellule qui baigne dans un liquide, plutôt que de s’occuper de la mort ! Parce que je n’y trouve pas grand-chose d’intéressant.

Il y a d’autres personnages qui seraient plutôt des fantômes ?
Peut-être oui. Il y a des créatures, je dirais, qui viennent peut-être… Est-ce que c’est issu de rêves, de cauchemars ? Je n’ai pourtant pas tellement le sentiment de faire des cauchemars la nuit, bien que je ne dorme pas beaucoup, ça ne fait rien. Je crois que j’ai l’imagination un petit peu exacerbée par beaucoup de choses et je vis beaucoup de choses de la vie comme des bandes dessinées.
Des fois, je regarde des situations dans la vie et je me mets ça dans la tête comme si c’était une bande dessinée et j’aime bien rire de cela.

Donc, ce n’est pas complètement de l’improvisation ? Il y a par exemple ce tableau où cinq ou six personnages se suivent, se retrouvent là, face à une crevasse, à une falaise. Ca raconte quand même quelque chose ?
Cela raconte en fait que ces petits personnages viennent pour chercher quelque chose ou participer à quelque chose, mais on ne sait pas vraiment trop quoi. On voit qu’il y a des petits points qui sont en train de tomber, qu’il y en a un qui est en train de faire une bêtise parce qu’il va bouger quelque chose et ça va créer un sacré chaos, parce que si tout ça commence à dégringoler, il va se passer plein de choses.
À chacun d’imaginer la suite…

Donc, vous ne nous en direz pas plus.
Non. Je raconte une histoire en fait dans chaque tableau et après chacun peut imaginer la suite comme il en a envie.

Bon. Je crois qu’il ne nous reste plus qu’à venir visiter votre exposition pour essayer de découvrir vos secrets.
Très volontiers.

Merci beaucoup.
Merci.

Interview réalisée par Jean-Pierre Lambert
Texte retranscrit par Françoise Berthod


1 commentaire:

beatrice De a dit…

Voilà, j'ai imaginé !